Le souci de l’inclusion, c’est celui de l’hospitalité, de l’insertion et de l’intégration : c’est avoir le souci de l’accueil de l’autre qui nous ouvre des portes mentales quand on lui ouvre une porte physique, c’est avoir le souci de faire sentir à autrui qu’il est utile et qu’il nous enrichit, et le souci de lui faire sentir qu’il est le membre sincèrement désiré d’un corps solide tourné vers l’avenir. L’inclusion est la dynamique même de la vie sociale. A contrario, quand un groupe pratique et justifie l’exclusion, chaque personne porteuse d’une singularité craint à raison d’être du prochain groupe rejeté, et tout le corps social se délite. Se réclamer de la République, c’est nécessairement se réclamer de cette dynamique inclusive, fraternelle et sororale, c’est se réclamer de sa vocation à l’universalité, dont l’expression, par excellence, est la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Tel un magnifique symbole de cet idéal, nous sommes très fier·ère·s que notre équipe syriano-afghane fût honorée par la Mairie de Paris pour ses actions solidaires universelles, sans acception de personne, pendant la pandémie, comme point d’orgue de la « Journée Internationale des Migrants » de décembre 2021.
Dès le commencement, nous avons désiré être inclus·e·s au milieu des exclu·e·s, dans les campements, pour inclure ces personnes dans la République française. C’est pourquoi, dès qu’ils atteignent une certaine taille, nous avons pris l’habitude d’y installer nos « tentes républicaines », qui sont la création d’un espace public, lieu d’information, de défense des droits, de sororité et de fraternité, où se cristallisent une solidarité et un engagement civique entre l’extérieur et l’intérieur du campement (cela va dans les deux sens : des personnes des campements nous aident dans nos activités solidaires en dehors des campements), mais aussi au sein du campement. C’est ainsi que nous cherchons toujours des moyens de développer une solidarité interne, par exemple une distribution de thé autogérée quand une prise électrique n’est pas loin, comme c’était le cas dans le campement de Rosa Parks. C’est donc redonner de la dignité, celle de pouvoir enfin donner en retour à celles et ceux qui, habituellement, leur donnent. Toujours, nous voulons inclure dans nos interventions des exilé·e·s, des personnes de toutes origines et tous milieux sociaux, et même handicapées. La collaboration inter-associative est aussi primordiale, non seulement en raison de l’ampleur de la tâche et du nombre de personnes dans le besoin, mais aussi comme rayonnement naturel et comme manifestation tangible de notre recherche d’unité solidaire et civique.
Dans nos tentes républicaines, nous organisons des cours de français sous une forme adaptée à la situation. Comme les personnes ne restent pas durablement, comme il est difficile pour elles de conserver un cahier et un stylo, et comme nous devons réunir dans un même cours des personnes aux niveaux très différents (de la personne jamais scolarisée à l'anglophone qui occupait un haut poste dans son pays), nous innovons et diversifions les modes d'apprentissage. L'insalubrité, la dépression, les destructions de tentes, la faim et le manque de sommeil sont nos adversaires. La soif d'apprendre et la reconnaissance de nos apprenant·e·s sont nos moteurs et une source d'inspiration. Pour une bonne et rapide intégration (notamment professionnelle), il est capital que les exilé·e·s apprennent au plus tôt notre langue.
L'hôte est à la fois la personne qui accueille et celle qui est accueillie. Pour inclure, il faut donc vouloir soi-même être inclus·e. C'est vouloir, par exemple, partager une nuit au milieu des campements. C'est vouloir partager au milieu d'eux la joie d'une fête du 14 juillet pour inclure, dès le commencement, dans la Nation. Celles et ceux qui ont le plus l'amour de la France ne sont pas des idéologues qui ont le mot « France » plein la bouche, mais bien celles et ceux qui veulent la faire aimer, véritablement, concrètement, personnellement. La guirlande-guinguette qui clignote au second plan est l'une de celles que nous avons apportées.
Outre la question des zones géographiques aux marges (campements, portes nord-parisiennes, etc.), et toujours conformément à notre volonté de dépasser la logique dualiste et excluante « centre/périphérie », nous multiplions les partenariats pour offrir des sorties culturelles et des interactions entre des institutions artistiques et culturelles (théâtres, musées, médiathèques, etc.) et des publics qui, socialement et culturellement, n’ont pas été prédisposés à les fréquenter. C’est pourquoi nous avons développé un programme d’intégration à destination de nos apprenant·e·s et des personnes que nous accompagnons socialement que nous avons intitulé très explicitement : « 1 musée, 1 médiathèque, 1 spectacle vivant ».
Nous essayons aussi de multiplier les partenariats avec les structures d’insertion, les associations et les entreprises pour faciliter le recrutement des personnes, en plus de nos cours dont une partie du contenu est à visée professionnelle.
Enfin, parce qu’elles sont confrontées à un nombre incalculable de difficultés et souvent à du mépris et à une suspicion inimaginable de la part de l’administration, nous sommes très actif·ve·s pour promouvoir la défense, le respect et l’intégration des personnes exilées LGBTQI+ que nous accompagnons administrativement, dans des sorties culturelles ou festives et que nous formons en F.L.E. au sein du Centre LGBTQI+ Paris – Île-de-France.