Former

Nos formations sont des cours de F.L.E. (Français Langue Étrangère), de français du code de la route, d’informatique (initiation générale à l’informatique ou à la programmation), sur les savoirs et savoir-faire de base ainsi que sur les démarches administratives et de la vie courante.

Mais comment enseigner à des personnes qui vivent dans une situation de grande précarité, voire à la rue ? Dans notre équipe, nous avons des professionnel·le·s de la formation, des personnes qui ont étudié la didactique des langues à un haut niveau, mais aussi des personnes qui accompagnent et soutiennent ces personnes depuis de nombreuses années et qui les connaissent donc très bien. Nous sommes aussi conseillé·e·s par nos psychologues qui nous aident à adapter nos apprentissages aux effets de la vie à la rue et aux troubles de stress post-traumatique.

Des apprenant·e·s aux profils multiples

L’expérience de l’association remonte à 2017, lorsque nous avons commencé à enseigner le français aux exilé·e·s dans l’espace public ou dans des lieux qu’on mettait provisoirement à notre disposition. C’est donc logiquement que nous avions noué un accord avec l’accueil de jour d’Aurore – Les Amarres, successeur des « Grands Voisins », auquel succéda celui avec la Halte humanitaire en face du Louvre. Auparavant, nous organisions, spécialement pour le public des campements, des cours à la M.I.J.E. de la rue de Fourcy (donc, tout comme la Halte, dans l’hypercentre de Paris). Il était fondamental pour nous de dépasser la dichotomie centre-périphérie. Cependant, les personnes exilées qui suivaient les cours dans ce lieu magnifique tout comme au sein des campements étaient celles qui étaient les plus motivées ou qui avaient déjà un parcours scolaire conséquent. Or, à la Halte, du fait de son caractère « multiservices », nous avons aussi un autre type de personnes apprenantes, celles qui n’ont pas les « codes » de l’école ou qui sont les plus traumatisées (y compris par leur expérience scolaire). C’est un laboratoire pédagogique passionnant qui suscite de nombreuses innovations, tant dans nos cours de F.L.E. que d’informatique.

Chaque semaine, nous donnons aussi des cours de F.L.E. au sein du Centre LGBTQI+ Paris – Île-de-France à des exilé·e·s et au Centre d’Hébergement d’Urgence « Agnodice » pour femmes enceintes et sortant de maternité à côté de la gare d’Austerlitz.

Une présentation des cours de français que donnent Famille France-Humanité et la FADS à la Halte humanitaire

Des enseignements innovants

Nos enseignements sont à la croisée de trois chemins :

1/ celui des sciences cognitives : c’est pourquoi nos cours de F.L.E. reposent sur l’approche neurolinguistique (A.N.L.) qui est la méthode utilisée au Canada pour l’apprentissage du français ou de l’anglais. Nous mettons donc au cœur de nos cours les interactions orales, nous faisons utiliser la langue française en vue d’autres activités et pas seulement en vue de l’apprendre pour elle-même, car nous savons que c’est ainsi que nous l’apprenons le mieux, et nous n’attendons pas le niveau B1 pour transmettre des éléments qui font toute la saveur de la langue. Nous nous inspirons également de la méthode suédoise, qui a recours fréquemment à un·e moniteur·trice locuteur·trice de la langue maternelle de l’apprenant·e, car on n’enseigne pas à un adulte comme on enseigne à un enfant : si le premier n’a plus un cerveau aussi plastique que le second, il dispose de ses propres atouts (de meilleures connaissances grammaticales, un lexique plus riche, etc.) ;

2/ celui de notre accompagnement quotidien des personnes exilées, dans leurs démarches administratives et sociales ou dans la prise en charge de leurs traumatismes, ce qui implique un cadre contenant et bienveillant favorisant l’apprentissage des personnes traumatisées et une façon d’enseigner qui rattache du côté de la vie, redonne espoir et contribue à la revalorisation de l’image de soi (d’où l’utilisation régulière d’ordinateurs). Dans la continuité de cet objectif, nous avons bénéficié des ateliers TASTE F.L.E. d’Elan Interculturel, aboutissement d’un programme européen d’élaboration de méthodes et d’outils pédagogiques à partir des expérimentations dans les camps de réfugiés, afin d’acquérir de nouveaux outils qui adaptent la méthode multisensorielle à l’enseignement et à l’apprentissage ;

3/ celui des pédagogies alternatives et nouvelles, principalement inspirées des travaux de John Dewey, qui véhiculent déjà grandement les apports susmentionnés. On ne peut apprendre de façon passive : l’apprentissage doit être une expérience, et celle-ci doit faire sens pour la personne apprenante en dehors de l’école, en partant de ses activités familières, afin qu’elle y trouve un intérêt immédiat. Concrètement, cela veut dire que les cours de F.L.E. visent une autonomie sociale et communicative réelle, ancrée, par exemple dans la réalité concrète des démarches administratives ou de la recherche d’emploi. C’est partir de documents authentiques ou de situations réelles, comme demander un test P.C.R. à la pharmacie ou apprendre un lexique professionnel à partir d’un article sur les métiers qui recrutent le plus sans le baccalauréat. De plus, ces activités familières ne sont intéressantes que si elles ont un potentiel d’apprentissage : des questions, des problèmes se posent quand on exerce ces activités et c’est le point de départ du cours. Cela requiert une crédibilité dans ce domaine. C’est pourquoi nous invitons régulièrement des personnes assistantes sociales, juristes, professionnelles des R.H. dont la parole experte est intégrée à nos cours de français. Ces coopérations entre personnes formatrices, entre personnes formatrices et apprenantes, puis, conséquemment, entre personnes apprenantes est le cœur même de l’apprentissage, qui est nécessairement une expérience collective. Il est faux de dire qu’on peut apprendre tout seul, ne serait-ce que parce que tout savoir qu’on acquiert est toujours, d’une façon ou d’une autre, pour une grande part, un savoir transmis. Ce principe pédagogique implique la promotion de la solidarité entre apprenant·e·s, notamment sous forme de tutorat informel (nous ne souhaitons pas une trop grande homogénéité dans le groupe), des encouragements aux dialogues sincères et authentiques (par exemple, en discutant de son ressenti face aux productions culturelles diffusées) et le renforcement de la cohésion du groupe au moyen de sorties culturelles (au musée, au théâtre, à la B.N.F. pour découvrir les ressources en F.L.E., etc.).